James Cagney et George Raft |
Lorsqu’on demanda à John Ford, ce qui l’avait amené à Hollywood, il répondit « le train ». Sous l’apparence comique de cette réponse se cache une modestie imparable ainsi qu’une vision concrète des choses. Des traits de caractère propres au réalisateur de La Prisonnière du désert autant qu’à un petit groupe de réalisateurs que Manny Farber qualifiait de « cinéastes termites » dans lequel figuraient Howard Hawks, Raoul Walsh, Samuel Fuller ou encore William Keighley, cinéaste victime de l’amnésie hollywoodienne. A ce jour, A chaque aube je meurs reste son film le plus direct, un marathon d’une heure et demi emportant sur son passage les sentiments les plus honnêtes qu’il soit. Rien que les quinze premières minutes sont d’une efficacité et d’une lisibilité exemplaires. James Cagney - aussi explosif que dans les films de Walsh - interprète un journaliste, animé par une soif de vérité qui le poussera à vouloir dénoncer un juge corrompu avant que celui-ci dresse un complot, envoyant Cagney en prison.
L’exposition faite, le film peut reprendre son souffle tout en construisant subtilement ce qui intéresse le plus Keighley : la dualité entre un journaliste innocent et un gangster téméraire et retors. Une scission qui s’estompera au moment où la femme de Cagney rend visite au gangster, lui montrant que peu de choses séparent les deux hommes. Tous deux se battent contre des politiciens véreux et des flics corrompus. L’un a choisi la facilité et le crime, l’autre a choisi de mener son enquête sans que cela n'entrave les valeurs démocratiques. A plusieurs reprises, on les entendra prononcer le mot « réglo » symbole de l’honnêteté existante entre les deux hommes. Il est clair qu’un tel dispositif ait pu influencer Michael Mann sur Heat, une œuvre dont le dessein, comme pour Keighley, est de montrer les rapports complexes qu’entretiennent les Hommes et la société. Manny Farber a surement visé juste lorsqu’il sous-entend que ce sont les films les plus concrets et substantiels qui résistent à l’épreuve du temps. A la revoyure, A chaque aube je meurs s’avère être le polar le plus réussi de l’année, haut la main !
Tifenn Jamin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire