jeudi 17 novembre 2011

Les Neiges du Kilimandjaro de Robert Guédiguian


Des noms, le film commence par ces noms qu’on oublie, qui ne résonnent plus, qui n’atteignent plus Les Neiges du Kilimandgaro. Ces noms solennellement énoncés sont les victimes hasardeuses d’un plan social dont les patrons se gardent bien d’y participer . Deux plans suffisent à Robert Guédiguian pour insérer la lutte des classes dans un cinéma français amnésique à toutes revendications sociales. L’un cadre les patrons en contre-plongée, non pour les mettre en valeur mais pour les placer dans leur tour d’ivoire. L’autre cadre les ouvriers en plongée, substitut idéal du regard patronal plein de mépris et d’égoïsme. Il n’en suffit pas plus pour affirmer que ce film à pour devoir de raconter ce que les politiques ont tendance à oublier : la vie de ses pauvres gens, ce poème de Victor Hugo, influence revendiqué par le cinéaste marseillais.

Au moment où le véritable héros du cinéma français, qui n’est plus ni moins qu’un licencié, se prépare à quitter son travail, il décolle deux objets : une photo de Jaurès et une couverture d’un comics. Ainsi c’est le mélange entre deux cultures différentes qui définit le cinéma de Guédiguian. Une volonté irréductible de partager ses valeurs en employant des moyens enracinés dans le cinéma hollywoodien. Nul besoin d’être fin connaisseur pour voir à quel point un objet en apparence insignifiant, tel qu’un comics, à son importance dans une narration elle-même guidée par le hasard. Hasard d’un licenciement, hasard d’un retournement de situation improbable, preuve par deux, que Guédiguian à une confiance aveugle dans la fiction. Alors, on peut bien se permettre de raconter ce qu’on veut, à condition d’être sincère envers soi, les spectateurs et les personnages : ces monstres de sincérité. Oui, vous avez bien entendu, le couple que forme le syndicaliste et sa femme ont bien l’air de créatures difformes au regard de leurs proches surtout lorsqu’ils décident, dans un premier temps, de renoncer à poursuivre leurs agresseurs et, dans un deuxième temps, de s’occuper des frères du plus jeune des agresseurs . Et comble du tragique, ce sont leurs propres enfants qui les regardent comme des monstres, des monstres coupables de n’a pas avoir été égoïstes.

De la lutte des classe découle la lutte des générations. Cet irrémédiable fossé séparant les pères de leurs enfants à pour réponse un axiome de Jean Renoir : « Ce qui est terrible sur cette terre, c'est que tout le monde à ses raisons » Le couple à retenu qu’il ne fallait pas juger à la va-vite, essayant de travailler son altérité au lieu de se renfermer sur soi et de comprendre ce qui peut pousser un jeune homme de vingt-trois ans à faire preuve d’une violence que lui-même, ne soupçonnait pas. Enchaînée à la misère, le clivage social le poussa à sortir de ses gonds.

Ce qui est terrible dans le cinéma français, c’est que ces histoires de solidarité se font tellement rares qu‘elles paraissent utopiques alors qu’il suffit juste de tourner le regard vers une amie pour se rendre compte que des gens font preuve de philanthropie au jour le jour.
                     
        


Vous pouvez lire, dans son intégralité, Les Pauvres Gens de Victor Hugo à cette adresse

                                                                                                         Tifenn Jamin

mardi 15 novembre 2011

Tempête à Washington de Otto Preminger

Charles Laughton et Walter Pidgeon 

 L’Exercice d’Etat de Pierre Schoeller, La Conquête de Xavier Durringer et Les Marches du pouvoir de George Clooney, autant de films sortie cette année, qui s’intéresse de prés ou de loin, à la face intime de la politique. L’occasion idéale pour actualiser le passé et s’intéresser à la pierre angulaire de ce cinéma dit politique - expression maladroite, car au premier sens du terme, de nombreux films relèvent de la vie en société - : Tempête à Washington de Otto Preminger.

Chose peu commune au cinéma hollywoodien, Advise and Consent (nom original du film) surprend au premier abord par sa densité scénaristique. Malgré la présence de vedettes comme Charles Laughton et Henry Fonda, la percée individuelle se dilue à travers la vision globale du cinéaste, propre à la description mécanique de ce système, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler The Social Network de David Fincher.
Rien n’est ni blanc, ni noir dans le monde cloisonné de Preminger. C’est plutôt une masse grisonnante de perfection sur laquelle Preminger ne cesse d’actualiser jusqu’au moment où il trouve l’image hors connexion. Et cela vaut autant pour le candidat au poste de Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères capable de s’asseoir sur des convictions idéalistes, dans l’optique d’accéder au pouvoir avec l’image la plus nette qui soit, que pour le sénateur Brigham prêt à mettre fin à ses jours pour éviter qu’on découvre son homosexualité refoulée. Si bien qu’il est difficile de cacher son angoisse devant ces hommes politiques repoussant l’imperfection comme s'ils avaient affaire à leur pire ennemi. Et ceci, quelques années après avoir combattu en Europe la perfection, soit le fascisme.

Là où la majeure partie du cinéma hollywoodien fait appel à des artifices pour nous effrayer, Preminger tout comme Fritz Lang sur Les Bourreaux meurent aussi, analyse froidement et cliniquement la société telle qu’elle est, c’est à dire créatrice de victimes : Brigham et le candidat subissent le puritanisme ambiant.
A cet égard, la distance imposée entre le réalisateur et son sujet laisse penser à croire que Preminger côtoie un fascisme opaque, qu’il ne condamne pas, par peur de se condamner lui-même. Sa place est celle d’un observateur attentif, et toujours à l’affut du moindre écart.



                                                                                                                                   Tifenn Jamin