mardi 24 janvier 2012

Carnage de Roman Polanski

Kate Winslet dans Carnage

Dur est la vie du cinéaste un temps soit peu reconnu. Ce funambule dont la tentation première est de faire plaisir à ses fidèles spectateurs, en employant des moyens pour le moins démagogiques : auto-citation, complaisance et copier-coller figurent dans le palmarès de la banalité prodigieuse. A savoir si Carnage, le dernier film de Polanski, fait partie de ce hit-parade, relève de l’équation à deux réponses.

D’une part, ce film joue sur la reconnaissance stylistique de l’auteur. En l’occurrence, le huis-clos où Polanski enferment deux couples affreusement bourgeois. Chacun défend son fils pour des raisons fondamentalement justifiées. Et ce sont, justement, ses bonnes raisons qui vont les pousser à sortir de leurs formules de politesses faussées. Carnage, c’est le nom qu’aurait très bien pu donner ces quatre personnes à leurs propres altercations. En tant que spectateur, on peut voir ce film comme l'art et la manière d’en faire des tonnes pour des choses qui ne demandent que du bon sens. Il y a quelque chose d’assez réjouissant de voir Polanski s’attaquer à la bourgeoisie new-yorkaise alors qu’il n’est pas autorisé à fouler le sol américain. Règlement de compte ? Non, juste une manière pour Polanski de déployer son humour satirique. Dommage que derrière ce sourire, se cache les bâillements de l'artifice.

On arrive donc au cœur même du film, à cette espèce de connivence que Polanski met en place entre lui-même et son spectateur : ce que tu vas voir doit te déranger même si tu sais pertinemment qu'il ne t'arrivera rien, puisque que tu es assis dans un fauteuil confortable. En définitive, le jeu auquel je t'invite est celui du simulacre. Je dirais même que tu doit mimer ce simulacre. Au regard de The Ghost Writer qui s’évertue à détruire les arcanes du faux-semblant, Carnage revêt les couleurs de l'illusion pour mieux cacher son visage pâle. Là où The Ghost Writer rendait palpable l'instabilité de son dispositif narratif et visuel en faisant jeu égal avec nous, Polanski nous incite, cette fois-ci à nous placer au-dessus de ce Carnage. Mine de rien, Polanski nous offre la possibilité de choisir entre être dupe et omniscient. Deux regards qui renvoient à l'essence même du cinéma.
                                                                                                                         

                                                                                                   Tifenn Jamin

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