dimanche 16 janvier 2011

Ode à Jacques Demy : Nantes, 20 ans après


Je dois bien l'avouer, c'est assez réconfortant de voir l'exposition Un Nantais nommé Jacques Demy. A l'heure où la centralisation fait des ravages sur le plan culturel, cette exposition est un cas unique, nul besoin de faire 400 km ! C’est aussi une façon de rendre justice à un cinéaste qui incarne, à mes yeux, la province, qu'elle soit nantaise ou autre. Jacques Demy a donné ses lettres de noblesse cinématographique à Nantes à travers les images éternelles de Lola et Une chambre en ville. Située dans un cadre minimaliste, la filmographie du réalisateur s'étale à travers des photos de tournages, des coupures de presse, de multiples vidéos et quelques objets rares tels que des vieilles caméras. On retiendra surtout la lettre de Jean Cocteau et le scénario de Lola dédicacé par Truffaut, beaux gestes attendrissants qui rappellent que le cinéma français fut autrefois une jeune famille. Et pourtant, rien ne prédestinait à ce que Jacques Demy, fils de garagiste, devienne l‘un des fers de lance de la Nouvelle Vague. En soi, il incarne à mon sens le cinéaste anti-bourgeois par excellence, préférant tourner sur les bords de Loire ou dans des villes qui n’ont pas vraiment l’habitude d’être exposées sous l’œil du cinématographe - Cherbourg, Rochefort - alors qu’une majorité de la production française préfère flâner dans Paris. D’où vient alors cette passion pour le cinéma ? 20 ans après sa mort, l’exposition apporte un élément de réponse absolument inédit à travers trois courts métrages de jeunesse. Rien d’exceptionnel, vous me direz - sauf que ces petits bijoux d’animation ont été conçus à l’âge précoce de 12 ans. Dire que son talent est quelque chose d’inné n’est pas présomptueux au regard des envolées fantastiques, déjà marquées par la seconde guerre mondiale auquel le jeune Jacques Demy donne un regard bouleversant. Je ne peux donc que vous encourager à rejoindre cette exposition qui, derrière ses murs austères, révèle le monde (en)chanté d’un cinéaste Nantais.



A l’occasion de cette exposition, les Editions de la Matinière publient un beau livre dont la forme rend hommage au fétichisme du cinéaste tout en proposant des analyses d’une rare acuité, signé Olivier Père. Un ouvrage d’autant plus important qu’il propose des cartes postales écrites par Agnès Varda, épouse de Jacques qui continue toujours à lui envoyer des mots d’amours, vingt ans après son « décès ». Nous pénétrons alors dans l’intimité d’un cinéaste qui m’est  toujours apparu proche de moi, pas comme un père - j’en ai déjà deux - mais comme un membre de ma famille, celle du 7éme art.  C’est à notre tour de continuer ce dialogue avec Demy en lui consacrant toutes sortes d’écrits. On dit souvent que les grands cinéastes sont éternels.

                                                                                                                                   Tifenn Jamin

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