mercredi 19 janvier 2011

Elio Petri (I) : Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon


Les Subversifs est le nom d'un film des frères Taviani. Un nom qui aurait très bien pu convenir à Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon tant le protagoniste et le réalisateur sont les incarnations mêmes de la subversion. Ce film en est même devenu par la suite un symbole. Un film-révélateur plus que le témoignage d'une Italie marquée par les années de plomb. Le subversif en question - incarné par Gian Maria Volontè - va montrer par l'intermédiaire d'un meurtre qu'il est au-dessus de la loi. Non pas qu'il a tous les pouvoirs mais que son comportement illégal dérange ses supérieurs et l'image d'un système qui se veut transparent. A l'évidence, la démarche du  réalisateur sera de briser cette vitre pour y montrer un Etat répressif et corrompu - et qui mieux qu'Elio Petri pour s'occuper de cette dénonciation sans précédent ? A l'inverse de son fameux camarade, Franseco Rosi, Petri cherche moins la vérité que de secouer son spectateur, comme si ses films étaient une façon de lâcher une haine longtemps enfouie. En somme, du vrai cinéma militant. Contrairement à la rumeur répandue, le cinéaste romain ne manque pas de finesse comme le démontre cette scène où un jeune militant pense que ce criminel est tout à fait à sa place dans un système qui est lui-même criminel, voire aliéné, car l'une des caractéristiques du cinéma de Petri est de dégager les schizophrénies contemporaines.
DVD édité chez Carlotta
Il capte une atmosphère de contradictions. L'après 68 rattrapé par les démons d'un passé fasciste. On peut s'apercevoir de ce retour de bâton en comparant ce film aux Damnés de Luchino Visconti. Chaque film dispose d'une scène commune où un personnage fait visiter à un autre une salle remplie de dossiers concernant les citoyens. La différence est l'époque. Les Damnés  traite de l'avènement du nazisme alors que l'action d’Enquête se situe dans les années 60. Le constat est terrible, d'une époque à l'autre : rien ne change. Un système totalitaire et répressif se substitue à un autre. Pasolini affirmait que le fascisme n'avait pas disparu. Au contraire, il est omniprésent et même plus dangereux dans le sens où il se fond dans la masse, invisible puisque recouvert par les idéaux de la société de consommation.

Les Damnés 1969
Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon 1970
                                                                                                                                 Tifenn Jamin

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