mercredi 2 mars 2011

Santiago 73, Post Mortem de Pablo Larrain : Critique d'un homme qui dort

post mortem 1

S’il y a bien quelque chose qu’on peut difficilement reprocher au cinéma chilien, c’est bien son rapport à la mémoire collective, si humaniste et assurément loin du conformisme à la française : la Rafle, ça vous parle ? Pas moi.

Le troisième film de Pablo Larrain a cette particularité - qui en vaut mille - de nous raconter le parcours d’un fonctionnaire qui ne veut pas se confronter à la mémoire alors qu’il en est peut-être le témoin le plus privilégié.  Au moment où  le Chili vit ses heures les plus sombres via le suicide (ou assassinat ?) de Salvador Allende, Mario accueille les cadavres d’un coup d’Etat qui n’a pas manqué de perturber les consciences, sauf lui, qui semble plus préoccupé par la possibilité d’entamer une relation. Difficile alors de s’identifier à ce personnage qui traverse cette période tel un fantôme errant au beau milieu d’actions qui ne peuvent que nous révolter. D’où cette intense sensation de froideur que nous procure ce film, un vent tellement glacial que notre mémoire en sera marqué à jamais, souvenir cristallisé et douloureux mais nécessaire. Notre fantôme ne peut pas en dire autant.

On est pas si loin du sérial-killer de Tony Manero, monstre d’ impuissance obsédé par sa volonté d’assouvir ses désirs au détriment de la survie du peuple. En réalité, le cinéma de Pablo Larrain s’axe autour d’individualités qui ne sont pas belles à voir ; et dans Post mortem, on sent que le devoir de mémoire devient l’idée matrice qui fait de Pablo Larrain, un auteur absolument incapable de faire une seule concession à son personnage. On notera ses longs plans fixes d’une force tranquille, non dénués de rage et de violence. Inouï de la part d’un jeune réalisateur qui n’était pas né lors de ces événements tragiques.

Pour autant, ça ne l’a pas empêché de les vivre à travers ces scènes, où le personnage fait l’impasse sur un homme agonisant, sur ces centaines de cadavres entassés dans un couloir, jusqu’au dernier long plan, lourd de sens, où, bloquant la sortie à son amante, il enfouit par la même occasion ce lourd passé dont il aura tout vu sans regarder.
Mémoire et image ne font plus qu’un. A l’avenir, on imagine bien des cinéastes libyens témoigner de la répression actuelle .
  

Transversales 

Ne sous-estimons pas l'importance du hasard dans la cinéphilie! En découvrant Un homme qui dort de George Perec, je n’ai pas pu m’empêcher de créer un pont avec Santiago 73. On y retrouve la figure du fantôme opaque et déshumanisé qui traverse les rues de Paris comme Mario traversant les rues de Santiago. 

Santiago 73, Post Mortem

Un homme qui dort
                                                                                                                                         Tifenn Jamin

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