Il y a de films qui en provoquent d'autres.
C'est le cas de Rebel Without a Cause de Nicholas Ray, pierre fondatrice d'un cinéma sur l'adolescence ou plutôt d'un regard de l'adolescence sur le monde, qui ne cessera d'influencer les générations suivantes avec en premier chef Outsiders de Francis Ford Coppola. Ici, la filiation parle d'elle même, la dimension classique règne dans les deux cas, l'héritage du western se ressent à travers les duels : le duel au bord de la falaise dans La Fureur de vivre ; le duel final dans Outsiders. Chaque adolescent se voit conférer une entité tragique, un ticket vers l'éphémère. Une filiation nettement moins visible dans le dernier film chroniqué dans ce papier : Foxes de Adrian Lyne, réalisateur fortement attaché aux années 80. Du coup, fini l'héritage du western, place à une palette de couleurs criardes et surtout, une apparente absence de la permanence du passé. Même Outsiders se dégage de la mimesis par le regard nostalgique que porte Coppola comme s'il avait conscience qu'on ne pouvait pas refaire La Fureur de vivre, ce qui prouve l'existence d'un fossé séparant les trois films.
Mais qui a dit qu'on ne pouvait pas traverser les fossés ?outsiders |
Par-delà les antagonismes propres à chacun des films, on peut mettre sur le devant de la scène ce qui est fondamentalement inhérent au cinéma américain : la famille comme seul moyen de survivre dans une Amérique où le danger est à portée de main. Développant leur scénario vers la tragédie, ces films ne peuvent déboucher que sur une mort certaine liée au postulat familiale. La question – créatrice de suspense – est de savoir qui sera la victime. Un suspense fortement entravé par la dimension morale car lorsqu'on y regarde de plus près, c'est toujours l'enfant abandonnée, solitaire et coupé de sa famille qui fera les frais d'un épilogue tragique. Platon dans La Fureur de vivre cherche en James Dean, le père qu'il croit n'avoir jamais eu. Il évoque une mère qui l'a laissé à l'abandon et un père qu'il ne veut plus voir. S'en suit un geste désespéré pour sauver Dean, il croulera sous les balles des policiers. Outsiders présente un personnage encore plus secret par l'intermédiaire de Matt Dillon, héros sans foyer qui par manque d'une véritable famille, s'en créer une : les Greasers, une bande d'adolescent qui voit en lui la figure paternelle de substitution. On est tous à la recherche d'un deuxième père. En bon héros tragique, il tombera lui aussi sous les balles des représentants de la loi dans une une atmosphère quasi mystique proche de de La Fureur de vivre. Entre cinéastes classiques, on suit la ligne shakespearienne ! L'orphelin dans Foxes est interprété par Cherry Curry, reine du destroy. Dès l'ouverture, on insiste sur l'abandon qu'éprouve ce personnage : elle vit depuis deux semaines chez sa meilleure amie et le premier soubresaut dramatique voit le père flic (encore) lui courir après dans le foyer de son amie. Lorsqu'on à vu les deux films précédemment cités, il est difficile de ne pas s'attendre à voir ce personnage finir dessous des draps blancs tachés par le sang. Peut-être est-ce trop facile de voir en ses similitudes une dimension réactionnaire lorsqu'on connait la volonté de partage des cinéastes. Mes origines marxistes pourrait très bien alourdir la balance du côté réac - surtout au regard de la présence des policiers dans les trois films - mais ma croyance dans le 7éme art en tant que volonté d'apprendre à vivre emporte tout sur son passage. Et puis, il faut le bien dire, des cinéastes comme Elia Kazan ont compilé à merveille ces deux aspects antagonistes. Tempérons nos accents révolutionnaires trop souvent irréfléchis. Néanmoins, mettons un point d'honneur à affirmer que les codes esthétiques changent mais la morale reste la même. Si révolution il y a, c'est dans les images.
Transversales
l'enfant abandonnée est toujours la victime (coming soon)
Tifenn Jamin
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