vendredi 18 mars 2011

Verboten de Samuel Fuller : caméra citoyenne


De Samuel Fuller, on retient souvent la jouissance qu’il éprouve en nous racontant ses histoires ; la scène d’ouverture est un pur moment de divertissement. Ce qu’on a tendance à oublier, c’est la dimension révélatrice de ses films : on en ressort avec l’intime conviction d’avoir appris quelque chose. Verboten est l’exemple le plus criant, la fusion organique entre le pur plaisir de suivre le récit et la morale omniprésente. Fuller met en valeur une Allemagne trop souvent oubliée, celle de l’après-guerre, une Allemagne qui n’a plus d’identité et un terreau apte à révéler l’aliénation : aspect qui n’est pas sans rappeler Allemagne Année Zéro de Roberto Rossellini, toutes proportions dramatiques gardées. De cette aliénation sous-jacente, Fuller s’emploie à dessiner l’image d’un jeune soldat nazi convaincu que Hitler est la voix de la raison, avant que la révélation lui tombe dessus telle l’épée de Damoclès.

En effet, sa sœur l’incite à assister au procès de Nuremberg ou seront projetés des documents vidéos. Alors qu’une image de fiction juxtaposée à celle réelle d’une archive engendre parfois des procédés fumeux, Fuller trouve ici l’équilibre parfait afin d’amplifier la vérité et non pas de redoubler le réel. Une contradiction apparente puisque Fuller voit la fiction comme un tremplin vers le réel.
Mais revenons au fait, à cette scène jumelle de Fury (Fritz Lang) où la sueur, envahissant le visage du soldat, accompagne sa prise de conscience tardive ; c'est là qu'il finit par comprendre - le fondu est ici utilisé à son paroxysme – à quel point il imitait bêtement le régime nazi. Ce sont les images qui changeront notre personnage et non les paroles de sa sœur. Un personnage incarnant à lui tout seul la conscience d’une Allemagne effrayée par la vérité, qui pourrait aussi être un spectateur assistant la projection de Nuit et Brouillard de Alain Resnais. Cette idée que les images peuvent nous transformer révèle la confiance et la maturité de Fuller dans son art.

Tranversales


Une scène similaire est présente dans Fury de Fritz Lang pour dénoncer la barbarie de certains citoyens accusé de lynchage. L'utilisation d'archives - images de fiction dans ce film - sera un élément important pour la suite du procès. S'en suit une prise de conscience collective chez les accusés.

Verboten de Samuel Fuller



Fury de Fritz Lang




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