mardi 19 juillet 2011

Algérie : Tours/détours : un film documentaire d'Oriane Brun-Moschetti & Leïla Morouche


Se souvenir.
Se souvenir de ce film de Wim Wenders, Au fil du temps, et de son ciné-camion dans lequel les héros allemands ne pouvaient que partager la vacuité de leurs existences. Chez Wenders, le cinéma et la solitude entretiennent un rapport intime. On est loin de ce que semble nous enseigner René Vautier - protagoniste et père spirituel de ces tours et détours - pour qui le cinéma rime avec fraternité. Une fraternité qui a permit l’émergence du cinéma algérien.

Voyager
Voyager avec le cinéma… beau pléonasme et pourtant, n’est-ce pas le but de ce film ? En tous cas, les deux réalisatrices sont animées par ce désir de confronter le cinéma au public algérien. On comprend alors que le film cherche avant tout à créer un dialogue dans les multiples projections itinérantes, lieux où chacun est libre d’exprimer sa colère.

Se comprendre
Se comprendre, tel est l’objectif de ce film. Comprendre et connaitre le passé via une certaine vision du cinéma, celui que défend  René Vautier, tout en proposant aux spectateurs, qu’ils soient d’Algérie ou du reste du monde, d’élargir le débat à des thèmes de sociétés, trop souvent enfouis dans le cœur de ceux qui ont rarement la parole. S’armer d’une caméra, c’est donc donner la parole à l’autre mais c’est surtout créer une passerelle entre les peuples.
De ce point de vue, Oriane Brun-Moschetti et Leïla Morouche peuvent être fiers de leur voyage : elles assurent la filiation avec René qui, tout comme moi, peut pousser un cri de soulagement.




http://www.algerietoursdetours.com/

                                                                                                  Tifenn Jamin

lundi 11 juillet 2011

22éme FID de Marseille : Sleepless Nights Stories de Jonas Mekas

Harmony Korine et sa femme dans Sleepless Nights Stories
S'il y a bien quelque chose qui revient constamment dans ce film, c’est le vin ! Jonas Mekas aime le vin. L’argument est peut être minimaliste mais je préfère voir Mekas boire du vin plutôt que subir l’antipathique Bruno Dumont dans Sibérie car, à sa manière, ce liquide retranscrit un état de vie, la vitalité d’un homme de quatre-vingt-huit ans, qui passe le plus clair de son temps à lire, à cause d’insomnies, ou à voyager auprès de personnes souvent beaucoup plus jeunes que lui. Parmi ses multiples rencontres, certaines vous toucheront plus que d’autres. C’est une constante dans ses films. De ce point de vue, je suis bluffé par la façon dont il résume ses rencontres avec Harmony Korine : plusieurs mini-scènes captent l’annonce de son mariage, la grossesse de sa femme et la naissance de son fils, un an après. L'art et la manière de résumer les grands moments d’une vie en quelques secondes sans qu’une once d’artificialité vienne déranger le cinéaste.

Jonas Mekas souvent était considéré comme l’un des piliers du cinéma expérimental. Lorsqu’on compare Walden - en particulier la scène du cirque et son rythme euphorique - et Sleepless Nights Stories, on ne peut que remarquer ce fossé qui a pour origine l’évolution d’un homme à travers le temps. Ce qui ressort de ce dernier film, c’est le côté brut ou plus exactement la banalité de ses voyages extraordinaires. Vivement le jour où je trinquerai avec ce jeune homme !

Jonas Mekas


                                                                                                       Tifenn Jamin

samedi 9 juillet 2011

22éme FID de Marseille : De jour comme de nuit de Renaud Victor

Renaud Victor est à l’honneur pour ce 22ème FID.
Tout d’abord, saluons le nouveau prix portant son nom, qui a pour particularité d’être remis par les détenus de la prison des Baumettes à Marseille. Un prix dans lequel je ne peux que me reconnaitre, dans le sens où je pars du concept que tout le monde peut écrire sur un film...


L’immersion, voilà bien un mot que les chaines de télévision se plaisent à utiliser, quitte à en ruiner le sens. C’est tout de même irritant de voir une image détruire un mot, surtout lorsqu’il avait chez certains une vraie force de vie comme le prouve Renaud Victor avec son dernier film, De jour comme de nuit, sorti en 1991. Je n’ose pas parler de ce film au passé - voir le cinéma sous l’angle du passé est de toute façon très mauvais - car sa valeur de témoignage n’a que très peu d’égal . Se confronter à la prison, c’est d’abord retirer les murs et les barreaux, afin d’entamer un dialogue avec les divers occupants, enfin vus sous l’angle de l’Homme. Face à la caméra-activiste de Renaud Victor et de son équipe, les détenus et les surveillants n’hésitent pas à se livrer, soit par l’humour, soit par les larmes, car ce qui ressort de ce film, c’est la volonté d’abattre la virilité pour montrer que chaque corps est fragile tout autant que cette prison qui débloque de tous les côtés. Pour autant, De jour comme de nuit n'attaque pas un système, mais montre la vie de ce monde, telle qu’elle est avec cette qualité implacable de ne jamais juger. Un geste d’une beauté extraordinaire dans une société qui juge trop rapidement ses citoyens.

La mémoire de Renaud Victor reste aujourd’hui partagée par l'association Lieux fictifs, visant à produire des films tout aussi forts et humanistes.

www.lieuxfictifs.org




                                                                                                        Tifenn Jamin

vendredi 8 juillet 2011

22éme FID de Marseille : notes sur Biette de Pierre Léon

Jean-Claude Biette
 Biette est un nom clairement surligné sur mon agenda. Au premier abord, cela peut surprendre, moins lorsqu’on connait les deux protagonistes : Le Biette en question, c’est Jean-Claude, cinéaste quasiment oublié ; tandis que Pierre Léon est le chef d’orchestre de cet hommage. Comme tout film attendu au tournant, Biette fut longuement étranglé par un brouillard de préjugés et de fantasmes. Il a donc bien fallu que je calme mon révisionnisme d’avant l’heure afin que je me rende compte que non, ce n’est pas mon film. Certes, il peut être destiné aux amoureux de ce réalisateur mais ceux qui ne le connaissen pas risquent de tomber de haut dans la mesure où Pierre Léon tient à remettre les mots dans l’ordre en inversant l’idée reçue sur Biette, qui avant d’être un grand critique - reconnu à juste titre - est un « cinéaste-critique » présenté dans ce film par de multiples intervenants.
Au-delà du cinéaste qu’est Jean-Claude Biette se déploient deux modes de perception avec en premier lieu, une volonté de mettre en avant une génération de cinéastes, pour la plupart victime d’une amnésie populaire. Ces cinéastes qu’on à souvent défini par le qualificatif, très restrictif, de deuxième nouvelle vague : Paul Vecchiali, Gérard Frot Coutaz, Jean-Claude Guiguet, Marie-Claude Treilhou et Biette forment un groupe hétérogène rassemblée par Diagonale. Et sur ce point bien précis, le film est un précieux témoignage qui nous incite à redécouvrir ces petits-grands films.
La seconde perception est plus universelle que cinéphile : c’est un homme entouré, mystérieux, drôle, humble, qui voyait le cinéma comme un acte du quotidien, peut-être même une nécessité comme si lui-même ne se définissait pas en tant que cinéaste, mais plutôt  en personne faisant corps avec le cinéma, pour qui la frontière entre le cinéma et la vie, la modernité et le classicisme, est perméable. Une frontière tout à fait poreuse qu’on retrouve dans de la scène finale : cinéma et théâtre se confondent pour rendre un dernier hommage poétique, permettant au film de dépasser son statut de documentaire. Pierre Léon a compris son oncle « Biette », cinéaste insaisissable lorsqu’il s’agissait de définir ses propres films. Dément !


                                                                                                 Tifenn Jamin

BIETTE
Pierre Léon
France, 2010, 109’
Première mondiale
EP / Portraits croisés
LUNDI 11 14:30 Maison de la Région

mercredi 6 juillet 2011

22éme FID de Marseille : Poussières d'Amérique de Arnaud des Pallières


Qu’on soit clair dès le début. En bonne démarche radicale qui se respecte, le nouveau film d'Arnaud des Pallières prend à contrepied une certaine idée du cinéma. A savoir, l’objectivation de l’Histoire par le cinéma. Sous la forme d’images d’archives et de cartons intimes, le cinéaste prend donc un malin plaisir à regarder l’histoire de l’Amérique - de Colomb à Appolo - par l’intermédiaire d’un regard personnel. L'éternel refrain du mélange de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, à ceci près que ce film nous propose notre rôle. Ce n’est pas tant un spectateur en quête d’intimité dans un regard universel mais précisément l’inverse. Parmi les multiples histoires proposées, à nous de trouver ce qui nous parle. Et sur ce point - et sous les apparences d’une ligne droite épurée - Poussières d'Amérique se montre imparfait. Chaque spectateur ne trouvera pas forcément la même part d’universalité. Certains garderont cette piscine en chantier sur laquelle l’idée de la propriété - forcément américaine - se construit avec un sens du décalage tout à fait remarquable, tandis que d’autres seront captivés par une relation père-fils. On en ressort, tout de même, avec une impression d’avoir vu plusieurs courts métrages dans un long parfois et justement trop long. 


Ce qui ressort de cette première journée, c’est clairement les démarches radicales, qu’elles soient subtiles et anciennes : La mort dans le jardin de Bunuel -  on y reviendra -,  ou contemporaines et rarement riches en émotions : August et Last Room.

                                                                                            Tifenn Jamin 

POUSSIÈRES D’AMÉRIQUE
Arnaud des Pallières
France, 2011, 98’
Première mondiale
CI
VENDREDI 8 19:30 VARIÉTÉS 1

Un grand merci à Gaëlle Berréhouc pour son accueil chaleureux

mardi 5 juillet 2011

En amont du 22éme FID de Marseille : retrouvailles intimes


Il y a des hasards qu’il m’est difficile de garder pour moi. Le premier est intimement lié à mon arrivée sur Marseille. A peine sorti de la gare que me voilà propulsé dans le monde du cinéma, et pas n’importe lequel : celui de Jacques Demy. Les escaliers de la gare St Charles, Yves Montand qui pousse la chanson, le dernier round musical du Nantais : un moment inoubliable qui prend aujourd’hui une dimension concrète.

Trois place pour le 26 de Jacques Demy
Venir sur Marseille, c’est donc rencontrer le cinéma - Guédiguian et Pagnol  le savent mieux que moi - et le Festival  International de Marseille propose un programme des plus alléchants avec en tête d’affiche : Correspondance avec Jonas Mekas de José Luis Guerin, qui pourrait s’avérer être dans la continuité du dialogue entamé par le cinéaste ibérique lors du festival du film espagnol de Nantes, en compagnie de son précédent film : Guest, un journal intime filmé où Guerin se rend à New York pour discuter avec  Jonas Mekas.

Mais alors pourquoi une telle attente ? Parce que c’est une histoire de filiation qui nous attend et elle mérite donc qu’on s’y attarde un temps soit peu. Mais cela suffira pour assouvir un manque inhérent au cinéma tel qu’il existe aujourd’hui, un manque de repères, de communautés, de valeurs partagées. Un manque que le critique doit savoir combler en déterminant « dans quelle catégorie se situe le film, de confondre les fraudeurs de l'ambigüité, ce qui est loin d’être facile ». Je reprends ici les propos de Luc Moullet, président du jury de la compétition française du  FID.
Tout est lié.

                                                                                                     Tifenn Jamin

CORRESPONDANCE
JONAS MEKAS

José Luis Guerin
Espagne, 2011, 90’
Première internationale
EP / Portraits croisés
MERCREDI 6 12:00 CRIÉE gs
VENDREDI 8 17:30 ALCAZAR