mercredi 21 mars 2012

Festival du film espagnol de Nantes : Mercado De Futuros de Mercedes Álvarez


L’intérêt d'un festival, quand il s’intéresse à un peuple en particulier, réside parfois dans la réactivité du cinéma par rapport à une donnée historique. En temps de crise, il n'est donc guère surprenant de voir des œuvres en faire leur sujet ou du moins, d'y placer un commentaire. Dans le cas de Mercado De Futuros, on peut quasiment parler de film prophétique tant les choix de mise en scène corresponde à la faillite de notre monde.

Les marchés du futur sont aussi les marchés du présent mais ils semblent tellement abstraits, voir effrayants qu'on préfère les expulser dans le futur, tout en faisant abstraction du passé. C'est un monde autiste que décrit Mercedes Álvarez, qui à pour principe de ne pas juger ses personnages qu'il soit prometteur immobilier ou trader. Dire qu'on va voir ce film pour se faire peur relève de l'euphémisme. On en serait d'ailleurs ressortit agacé si la réalisatrice n'avait pas contrebalancer cette partie par des plages d'espoir, à l'instar de ses multiples scènes ayant pour lieu un vide-grenier auquel un vieux cowboy - Qui porte un chapeau, fait preuve de lucidité - « essaye » de vendre tout ce qui peut encombrer son garage. Celui-ci est tellement honnête et peu concerné par l'argent, qu'il ne vend rien, repoussant l'acheteur en lui affirmant qu'il n'a pas le courage de chercher l'objet désiré. Rien à voir donc avec ses prometteurs dont leurs vies semblent vouer à la vente, quitte à tutoyer au premier mot le client, en lui répétant constamment qu'il est nécessaire qu'une maison soit source de profit.

Si elle ne juge pas, Mercedes Álvarez ne garde pas longtemps sa position de témoin puisque ses choix de mise en scène - la durée d'un plan, la récurrence d'une action - montre qu'elle expose un point de vue critique. Cette tache ne revient pas à la caméra mais à l'alchimie produit par le résultat de toutes les opérations propre au cinéma, en particulier le montage, fortement inspiré par José Luis Guérin (dont elle fut chef monteuse sur En construcción ) et Material de Thomas Heise. Le cinéma devient donc l'outil idéal pour comprendre notre monde. Chose que semble nier deux autres films projetés à l’occasion de ce festival.

La Valise Mexicaine de Trisha Ziff et La Femme de L'Eternaute de Adan Aliaga ont pour trait commun de jeter leur dévolu sur une situation historique lié à un devoir de mémoire : la dictature argentine pour l'un, la guerre civile espagnole pour l'autre. Tous deux choisissent un médium artistique : la photographie pour le premier, la bande dessinée pour le deuxième. Vous l'aurez compris, ces deux films sont pourvus de très belles intentions, qui me touche personnellement sauf que c'est l'Histoire qui aiguille mon intérêt, non la dimension cinématographique en partie absente. C'est d'ailleurs plus un refus de cinéma qu'une absence. Une immense frustration est au rendez-vous comme si deux engagements (le cinéma et la mémoire) ne pouvait s'accoupler. Heureusement que Mercedes Álvarez est présente pour nous rappeler qu'un festival doit s'occuper du cinéma avant de plonger dans un autre domaine.  


                                                     
                                                                                                       Tifenn Jamin

mardi 20 mars 2012

Festival du film espagnol de Nantes : Madrid, 1987 de David Trueba

Maria Valverde dans Madrid, 1987
Une femme, un homme et une poignée de porte ; voilà à quoi peut se résumer Madrid,1870 de David Trueba. L'une est étudiante, désireuse de faire carrière dans le journalisme sans pourtant révéler ses convictions au premier clin d’œil. L'autre, un vieux journaliste, les cache sous un épais manteau de cynisme. La dernière est en apparence futile mais elle aura pourtant une importance de premier ordre ; elle enfermera les deux personnages nus dans une salle de bain tout en incitant le spectateur à créer un trio, lui confiant par la même occasion, la place si instable du voyeur. C'est pourtant une poignée qui ouvre sur un monde où se côtoient littérature, politique, sexe, souvenirs d'enfance et ses foutus convictions : doit-on les assumer quitte à passer pour une pourriture ou bien faut-les ménager au profit d'un caractère indistinct ?

Mais ou-est donc le cinéma ? Il est vrai qu'il est difficilement cernable dernière les multiples figures de style propre à la littérature, non que l'auteur soit plus intéressé par le second, mais il avance sans faire de bruit à travers une mise en scène sobre y compris dans la salle de bain, ou malgré l'étroitesse du lieu, Trueba reste à hauteur d'Homme pour mieux investir ses personnages et les rendre conscients de leurs vies artificielles comme en témoigne cette scène le chroniqueur et l’étudiante se raconte un film à travers un cadre vide.

Dans l’exercice si casse-gueule du huit-clos, Trueba s'en sort avec une souplesse et une modestie remarquable, n'épuisant à aucun moment la densité des personnages. On en ressort presque avec un sentiment de manque, comme si on attendait qu'une seule chose ; qu'ils se rencontrent une nouvelle fois, mais le Madrid de l'année 1987 a autre chose à faire que de s'enfermer dans une salle de bain.

                                  
                                                                                                      Tifenn Jamin


En compétition pour le prix Jules Verne
Mardi 21h - Katorza, Nantes
Samedi  15h45 - Katorza, Nantes