Élise Ladoué et Laurent Lacotte dans Les Anges de Port-Bou |
Je me souviens d'un voyage à Lisbonne, suite plus ou moins logique d'une lecture (Pereira Prétend de Antonio Tabucchi) et d'un visionnage (A Caixa de Manoel de Oliveira). Je me souviens d'un fantasme à peine avoué, celui de retrouver l'odeur d'une page, d'une image ou mieux encore, le plaisir de suivre les sentiers de la fiction.
Ce fantasme-la, je peux aujourd'hui le crier haut et fort et nul doute que le nouveau film de Vladimir Léon à sa part de responsabilité. Les Anges de Port-Bou est cet obscur objet de désir, qu'on personnalise au gré de notre mémoire et qui atteint l'intime lorsque Seraphin l’obsessionnel contraint Gabrielle à lire un texte de Walter Benjamin avant qu'un groupe de touristes n’empêche le film d'accomplir son désir. Tant pis, Seraphin trouvera par la suite des ressorts narratifs permettant au récit de glisser vers un fantastique d'une transparence limpide, dépourvu d'effets visuellement édulcorées. Tout ça pour instiller dans l'esprit du lecteur, l'idée que ce film est irradié par l'humilité de son cinéaste, tellement confiant dans son scénario qu'il n'a pas besoin de faire de la mise en scène une histoire de surlignage - le mal par excellence du cinéma contemporain.
Quand on en vient à l'essence du film, on se rend compte que Vladimir Léon est un auteur animé par le travail de la mémoire. Sur ce point, il rejoint ses précédents films : Le Brahamne du Komintern et Loin du Front (co-réalisé avec Harold Manning).
Bien qu'il n'ait jamais physiquement rencontré Walter Benjamin, Seraphin essaye tant bien que mal de se rapprocher du philosophe en entreprenant une marche quasi mystique. A l'inverse de ce rapport indirect, Gabrielle éprouve un rapport direct à la mémoire puisque ses aïeux sont des réfugiés républicains. Pour autant, le prologue du film présentent deux personnages que tout semble opposé mais l'art du récit, c'est aussi de créer des passerelles entre les personnages, de jouer avec leurs oppositions et leurs similtudes afin qu'une évolution continue irrigue le film, qui ne semble jamais menacé par l'inertie - l'autre grand mal du cinéma contemporain.
En fin de compte, sous la transparence et la perméabilité de la mise en scène, le film encourage le spectateur à suivre les pas de ses modèles. A toi lecteur de trouver ce qui te relie avec tes auteurs favoris.
LES ANGES DE PORT-BOU
sélectionné dans la Compétition Fiction du Festival Côté Court
sera projeté
Jeudi 7 juin à 18 h 00
Dimanche 10 juin à 22h00
Mercredi 13 juin à 21h00 (séance officielle, en présence de l'équipe)
Tifenn Jamin
Un grand merci à Harold Manning et Nicolas Thévenin.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire